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BCE : La Banque centrale européenne décide d’augmenter son taux d’intérêt directeur de référence.

Siège de la Banque Centrale Européenne à Francfort | Source : Unsplash

La présidente de la BCE Christine Lagarde, le 14 septembre 2023 lors de la rencontre avec la presse faisant suite au  ECB Governing Council 

Le  jeudi 14 septembre au siège de la BCE à Francfort, le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne et la présidente de la BCE Christine Lagarde ont décidé d’augmenter pour la dixième fois les taux d’intérêt directeurs. À la majorité des gouverneurs de banques centrales de la zone euro dit « Hawkish » (*) l’ont emporté sur les gouverneurs dit « Dovish » (**) lors du comité de politique monétaire de la Banque Centrale Européenne. Le taux d’intérêt directeur de référence de la Banque Centrale Européenne, à savoir le Deposit Facility rate (ou taux de la facilité de dépôt (***)) sera augmenté de 25 points de base le 20 septembre 2023 pour atteindre 4 % et ce malgré une croissance en zone euro qui est au ralentie depuis le début de l’année 2023 et paradoxalement une inflation qui semble baisser progressivement. Il s’agit là de la hausse la plus importante du Deposit Facility rate de la Banque centrale européenne depuis le 1er janvier 1999 soit quelques mois après sa création le 1er juin 1998. Les autorités dirigeantes de la BCE estiment que les taux « ont atteint des niveaux » qui s’ils étaient maintenus sur une durée suffisamment longue, apporteraient une « contribution substantielle » à la réduction de l’inflation jusqu’à atteindre l’objectif de la BCE qui est de 2%.

Évolution du taux de la facilité de dépôt / Deposit Facility rate de la BCE

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(*) Hawkish est un terme utilisé pour désigner une politique économique orientée vers la hausse des taux d’intérêt et le maintien d’une politique monétaire restrictive.

(**) Dovish est un terme utilisé pour décrire une politique monétaire qui est plus accommodante et qui soutient une expansion économique plus rapide.

(***) Le taux d’intérêt de la facilité de dépôt est l’un des trois taux directeurs que la Banque Centrale Européen détermine toutes les six semaines dans le but de mener sa politique monétaire. Il représente l’intérêt que les banques perçoivent lorsqu’elles déposent des liquidités auprès de la banque centrale au jour le jour.

Mme Lagarde justifie cette hausse de taux d’intérêt par le fait que l’inflation en zone euro est encore trop élevée par rapport à leur cible d’inflation « too high for too long », même si la croissance des prix en zone euro continue de décroître avec un taux d’inflation qui était en janvier 2023 de 8,6 % et qui se retrouve à 5,3 % consécutivement en juillet et en août 2023. La présidente Christine Lagarde est dans la droite ligne de ce qu’elle avait déjà avancé lors de son discours à Jackson Hole en août 2023, où elle avait souligné que les changements économiques structurels au sein de la zone euro risquaient d’engendrer une pression sur les prix, tout en avertissant que « the fight against inflation is not yet won » (littéralement « la lutte contre l’inflation n’est pas encore gagnée »).

Évolution du taux d’inflation annuel de la zone euro / HICP - Overall index (Annual)

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Évolution du taux d’inflation annuel de la zone euro (par mois) / HICP - Overall index

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Cette hausse des taux peut s’expliquer aussi par une inquiétude vis-à-vis de la récente augmentation des prix du pétrole mais aussi par une trop forte exposition des pays de la zone euro aux variations du prix du gaz liquéfié dû à des chocs d’offres comme dernièrement avec le licenciement d’employés sur les sites d’exploitation de gaz liquéfié en Australie. Selon le journaliste du Financial Times Martin Arnold, cette décision de la BCE montre que les cadres dirigeants de la banque centrale européenne restent plus préoccupés par le risque d’une croissance effrénée des prix à la consommation que par le danger d’un grave ralentissement économique. En effet la BCE a augmenté ses prévisions pour l’inflation en 2024 de 3% à 3,2% principalement dû à une tendance plus élevée pour les prix de l’énergie. D’autres signes d’un ralentissement de l’activité économique sont les prévisions de croissance pour la zone euro effectuées par des économistes et qui ont été revues à la baisse ces dernières semaines après que ces économistes ont eu à observer une baisse de la production manufacturière au sein de la zone euro. En effet, après une année 2020 catastrophique économiquement avec un taux croissance négatif de 6,1 % dû à la pandémie de Covid-19, on aurait pu croire que le taux de croissance de 5,6 % de l’année 2021 était signe d’un retour d’une activité économique croissante au sein de la zone euro. Malheureusement, il a été observé une baisse de la croissance en 2022 avec un taux de 3,3 %, une tendance de ralentissement de la croissance qui semble s’être confirmée en 2023 avec un taux de croissance de 0,1 % au premier et au second trimestre 2023. Ce ralentissement se confirme avec la baisse de la production manufacturière des pays de la zone euro avec un indice PMI pour la production manufacturière de la zone euro qui depuis le 22 juillet 2022 est passé sous la barre des 50 % pour atteindre le 1er septembre 2023 un indice PMI de 43,5 % synonyme d’un ralentissement de l’activité économique.

Évolution du taux de croissance économique annuel de la Zone Euro (mensuel)

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Évolution du taux de croissance économique annuel de la Zone Euro, de la France, de l’Allemagne et de l’Italie (mensuel)

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Évolution du taux de croissance économique annuel de la Zone Euro (PIB réel)

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Évolution du taux de croissance économique annuel de la Zone Euro, de la France, de l’Allemagne et de l’Italie

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Évolution du Manufacturing Purchasing Managers Index (PMI) pour la Zone Euro

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La possibilité d’un maintien de taux directeurs élevés sur la durée a poussé les investisseurs à revoir à la baisse leurs attentes concernant les futurs évolutions des taux de la BCE, faisant de facto chuter de 0,75 % l’euro face au dollar avec 1 euro pour 1,065 dollar qui est le niveau le plus bas que la monnaie européenne est atteinte depuis mars 2023. Mais aussi en faisant chuter les rendements obligataires avec les rendements d’obligations d’État de référence à 10 ans comme le Bund Allemand à 10 ans, le bon du trésor français à 10 ans et l’obligation italienne à 10 ans qui ont baissé entre 0,05 et 0,10 point de pourcentage. Les actions européennes ont quant à elles rebondi avec l’indice boursier de référence Stoxx Europe 600 qui a augmenté de plus de 1 %.

Cette situation inquiète de nombreux spécialistes et certains économistes. En effet lorsque l’on compare le cas de la zone euro à celui des États-Unis, la zone euro a toujours des taux d’intérêts plus bas que ceux des Etats-Unis (5,5 % pour la Réserve Fédérale américaine contre 4 % pour la Banque Centrale européenne) ainsi qu’une inflation plus élevée (5,3 % pour la zone euro contre 3 % pour les Etats-Unis).  La BCE est comme pris en étau car si elle arrête brusquement sa hausse des taux directeurs et qu’elles embrayent sur une baisse de ces derniers, elle expose l’économie de la zone euro à une possible récession, et d’un autre côté, si elle poursuit son augmentation elle peut ouvrir la porte à une stagflation au vu de la faible croissance économique actuelle des pays de la zone euro.

Le 26 octobre prochain, date du prochain « ECB Governing Council », Madame Lagarde et les gouverneurs des banques centrales européennes n’auront d’autre choix que de maintenir ce taux de 4 %. Un maintien qui se fera probablement jusqu’au début de l’année 2024, le temps d’observer une baisse importante de l’inflation jusqu’à minimum 3% à 3,5 %.